15/01/2008

Le grand pari

Affluence record hier soir au débat du Forum Nogentais (intitulé Logement, transports, pollution, inégalités, développement… : comment rééquilibrer la Région parisienne ?), les retardataires ont du rester debout – il faut dire que les candidats aux municipales étaient venus en rangs serrés.
Un exposé à la fois concis et précis de Vincent Fouchier (vice-président de l’IAURIF et coordonnateur du nouveau SDRIF) et de Pierre Mansat (adjoint au maire de Paris).

D’un coté, une approche plutôt technocratique présentant la panacée du moment pour résoudre les défis et incertitudes multiples que représente le quart de siècle à venir pour l’Ile-de-France (sociaux, environnementaux, infrastructuraux, démographiques, économiques, etc.…), et qui tient en un néologisme : la densification.

Il fût énoncé que ce remède est inévitable d’après les projections, et d’ailleurs qu’une enquête publique sans précédent a été menée (résultats à paraître d’ici quelques jours - 55 000 foyers consultés sur les 4 500 000 du bassin de population concerné), de plus une pédagogie d’envergure non moindre a été mise en place, et donc qu’il n’y a plus qu’à prendre la décision politique… Certes. L’orateur a toutefois nuancé la marge d’erreur des projections en rappelant que dans les années 60, époque de la planification des villes nouvelles, une population de 17M d’habitants était projetée pour l’an 2000 – et nous sommes autour de 11M aujourd’hui.

De l’autre, un constat un rien désabusé du risque de blocage que représente la gouvernance nécessaire à l’application d’un tel schéma , car depuis les années 60 la décentralisation a fait son chemin. L’obstacle ne se posait pas en Espagne, ou l’état seul a pu décider de la réalisation à Madrid en quelques année un métro comparable à celui de Paris.

L’approche prônée est plus politique, mais a le mérite de ne pas éluder un levier clé : le financement. Le maire de Paris propose de mettre la main au budget et de partager « sa » taxe professionnelle avec les communes alentours pour certains projets (par exemple un métrophérique transverse qui relierait les lignes existantes par une ceinture située à 6 ou 7 km du périphérique comme projet fédérateur) – à condition que les communes « riches » du 92 fassent de même.

Les questions ont bien sur fusé concernant qui la santé publique (le progrès technologique y remédierait), qui la qualité de vie… D’un point de vue quantitatif des objectifs ont été cités (j’ai noté 10m2 d’espace vert par personne, 35 logements à l’hectare – contre 30 au Royaume-Uni), le concept de polycentricité (zone densifiées sur 1000m autour des gares, par exemple). Notre maire a fort justement fait remarquer (pour une fois que je suis d’accord avec lui, je dois lui en donner acte) que le taux d‘emploi varie presque du simple au double entre les Hauts-de-Seine (ou Paris) et le Val-de-Marne, et que le développement économique est un aspect incontournable – à quoi il fut répondu qu’ il est plus facile d’agir sur le levier des logements, car «on ne décrète pas des emplois », mais que bien sur il allait être fait en sorte que les emplois suivent les zones « densifiées » …

Une étape du raisonnement m’a peut-être échappé ou n’aura pu être évoquée faute de temps, mais la cohérence de l’argumentation d’ensemble m’a laissé perplexe. Quant à la méthode prônée visant à tout mettre en place « rapidement » afin d’obtenir un basculement global en minimisant la période de transition, elle ne m’a pas convaincu. En aparté, j’ai demandé s’il était envisageable de tester d’abord sur des zones pilotes qui pourraient essaimer ultérieurement, avec un engagement moindre et laissant la possibilité au nouveau schéma de remporter l’adhésion chemin faisant tout en laissant plus de marge pour faire machine arrière : oui, tout est possible… était-ce un message subliminal ?


Je ne juge pas ici de la pertinence de la solution proposée au problèmes actuels et projetés, même s’il serait probablement instructif de savoir si des alternatives à la densification ont été considérées et pourquoi elles ont été rejetées, mais il me semble que l’acceptation par les populations concernées une fois mises au pied des murs est un élément clé de la réussite d’un tel plan. C’est bien d’une question de société qu’il s’agit, voire de civilisation puisqu’il est à la mode de galvauder, touchant à presque tous les rouages de son fonctionnement au quotidien. Si le schéma prévu n’est pas suffisamment bien toléré par les acteurs de cette société, il sera rejeté in fine, et le coût d’un rejet ne rendra pas plus facile la mise en place d’autres mesures. Il est crucial de ne pas l’engager à la légère.

Un tel enjeu ne peut pas se jouer sur un coup de dés, l’effort de pédagogie nécessaire ne fait visiblement que commencer.

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