De la Constitution de 1958
Article 5 : Le Président de la République veille au respect de la Constitution.
Article 62 : Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
Demander à la cour de cassation un moyen de passer outre la décision du Conseil Constitutionnel contraire à la rétroactivité - principe intangible dans le droit français - du projet de loi Dati est, de la part d’un avocat élu président de la République, pour le moins déconcertant. Visiblement embarrassé, Bernard Accoyer, le président UMP de l'Assemblée nationale, tente de proposer une interprétation plus modérée des propos du Président, et l’Elysée indique alors que ce n’est pas au président de la Cour de Cassation que le Président de la République a demandé de chercher un contournement au retoquage par le Conseil Constitutionnel, mais à Vincent Lamanda personne privée, qui assure par ailleurs ces fonctions…
La pirouette ne trompera pas grand monde, et je crains de plus que tout cette polémique ne soit contre-productive : ce n’est pas au prix d’un populisme pénal ou constitutionnel que le Président se faisant apparaître comme le défenseur des victimes regagnera la popularité perdue en se détournant du programme sur lequel il a été élu.
De la fonction présidentielle
Lors de sa visite du salon de l’agriculture, le Président de la République – ou bien étais-ce Nicolas Sarkozy ? – a commis un écart de langage qui fait le tour des media après qu’une video soit diffusée sur internet (comme l’avait été celle du kärcher ou des pêcheurs du Guilvinec).
Ce n’est bien sur pas la première fois qu’un Président serait agressé verbalement durant la Cinquième République (ce qui reste sans commune mesure avec l’attentat du Petit-Clamart auquel le Général de Gaulle avait échappé de justesse), et cela ne sera probablement pas la dernière, sauf à changer de constitution très rapidement. Le malaise ne provient pas tant du coté injurieux du propos, que d’aucuns vantent comme faisant partie intégrante du nouveau « style » qu’il voudraient même plus « viril » encore, que d’un apparent manque de maîtrise de la part du chef de l’Etat : chacun garde à l’esprit que le Président de la République Française est le détenteur du feu nucléaire… un argument dont il faut user avec sagesse et modération s’il en est.
Pour mémoire, son prédécesseur à qui on avait lancé le qualificatif incriminé au sortir d’une église dans le Gers avait eu la présence d’esprit de répondre « enchanté, moi c’est Jacques Chirac », ou encore le Général de Gaulle de faire allusion au « vaste programme » de son contradicteur… Dans un entretien présenté par Le Parisien comme accordé à ses lecteurs le Président fera-t-il amende honorable quelques jours plus tard en revendiquant « les défauts de ses qualités » pour lâcher finalement « cela étant, j’aurais mieux fait de ne pas lui répondre » ? pas même du bout des lèvres, ces propos s’avèreront ensuite n’avoir jamais été prononcés par le Président, mais ajoutés lors de la relecture par l’Elysée...
De la laïcité de l’Etat
Pilier fondateur de notre société, c’est cette laïcité qui a permis de construire notre modèle social et d’en maintenir la cohésion face au risque chaque jour plus grand de dérives communautaristes.
Entrer sur ce terrain pour alimenter des polémiques par des amalgames et des déductions hasardeuses est inutile et dangereux.
A l’occasion du discours lors du 23eme dîner du CRIF, le Président de la République a réaffirmé sa conception particulière de la laïcité, après avoir décrété une nouvelle pédagogie du devoir de mémoire de la Shoah à l’école qui fait une quasi unanimité contre lui, dont Simone Veil ou François Bayrou dénonçant cette mesure déplacée et dangereuse… Une mission de réflexion a ensuite été nommée pour prendre un peu de recul.
Quelques jours plus tard, la conseillère spéciale de l’Elysée Emmanuelle Mignon a soulevé un nouveau tollé en affirmant que « Les sectes sont un non problème », et quant à une révision de la loi de 1905, déjà évoquée dans le livre «la République, les religions, l'espérance» signé en 2005 par Nicolas Sarkozy (alors Ministre de l’Intérieur), «ce sera fait durant le quinquennat ». Conseillère spéciale auprès du Président de la République, c’est elle qui serait à l’origine du discours du Latran avec sa «laïcité positive» affirmant que «l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur» (mais probablement pas de la mise en scène…), et du discours de Ryad soutenant que « Dieu n’asservit pas l’homme mais le libère » ou exaltant «l’héritage civilisateur des religions» face à une «morale laïque risquant de s’épuiser». Autre conseiller spécial et auteur de discours à polémique comme celui de Dakar ("Le drame de l’Afrique, a-t-il déclaré, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire (...). Jamais il ne s’élance vers l’avenir (...). Dans cet univers où la nature commande tout (...), il n’y a de place ni pour l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès."), Henri Guaino défend cette position d’abord par des accusations de dénaturer ou de tronquer les propos, mais surtout par un « impératif politique » qui serait lié à monarchie saoudienne.
Selon une tactique de communication désormais très répandue chez les conseillers de l’Elysée après avoir été soigneusement éprouvée pendant la campagne présidentielle, Emmanuelle Mignon a ensuite démenti ces propos, tandis que l’hebdomadaire maintenait sa version de l’entretien.
Au delà de la forme le fond demeure : est-ce le rôle de l’Etat Français que parler autant de la religion ?
De la vie privée
L’effet boomerang du populisme médiatique que le président élu a tant mis à contribution pendant la campagne et au début de son mandat au risque de confondre transparence et exhibitionnisme semble lui échapper aujourd’hui. Le ressort de la polémique du SMS ne repose pas directement sur l’atteinte à la vie privée ou à la liberté de la presse de protéger ses sources : qu’importe que le SMS soit vrai ou faux s’il suffit qu’il soit plausible ? Nos concitoyens ont maintenant appris à connaître leur Président au hasard de ses pérégrinations – même s’ils ne l’avaient pas souhaité.
Après ces ratages de communication en série, le Président en appelle à serrer les rangs autour de lui… au point d’en faire perdre les restes de crédibilité auxquels certains espéraient encore prétendre à force d’outrance (cf. le panel d’argumentaires récent sur le site de Marianne).
Des Nogentais
Plus proche de nous, le maire sortant semble avoir fait preuve d’une conception du respect de ses concitoyens qui donne aussi à réfléchir, même si elle s’inscrit en droite ligne de la nouvelle acception du terme très en vogue dans certains cercles de la France d’en haut, notamment par l’argumentation à géométrie variable utilisée pour justifier les très fortes augmentations des taxes qu’il a imposées au cours de son mandat.
Le respect est lent à gagner, et vite perdu quand on le néglige.
27/02/2008
Respect
Publié par
Nicolas Mauduit
à
00:43
tags: communication, éthique, laïcité, popularité, populisme
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1 commentaire:
Voilà un billet qui n'était pas simple à rédiger ...
Je n'ai rien à redire.
Je partage la plupart de vos inquiétudes (séparation des pouvoirs, laïcité, communautarisme ...).
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