22/05/2008

Baltard – Porte de Nogent

Vendredi soir (16/05/08) avait lieu scène Watteau une présentation publique des 3 projets restant en lice pour le pôle du RER A par le Maire et Hervé Jobbé-Duval (consultant en charge du dossier, ancien directeur chez Nexity et président de la Centrale de Création Urbaine fondée en 2003 par des spécialistes de la promotion immobilière), sur les 10 soumis (le Maire fit mention de 16 contacts durant sa présentation).

Par rapport au projet présenté l’an dernier (voir l’article de l’ACN du 03/07/07), il apparaît que les surfaces construites aient environ doublé (des 15 000m2 initiaux les chiffres montent maintenant jusqu’à 32500m2 ou 33000m2 selon les estimations, pour le projet le plus dense) – chiffres qui, s’ils sont élevés pour Nogent, restent néamoins en deçà de la taille critique d’un projet urbain pour qu’il puisse réunir tous les paramètres d’un « quartier vivant » selon Hervé Jobbé-Duval, (qui affirmait en 2004 que « Pour créer ou redynamiser un bout de quartier, il faut compter au minimum 50 000 m² de Shon pour garantir de nouveaux équipements publics et entre 400 et 600 nouveaux logements pour pouvoir y développer les services de proximité. En deçà, le projet urbain risque ne pas trouver d’équilibre économique »). Avec 11 000m2 de périmètre foncier, la « porte de Nogent » serait trop petite pour son concept de quartier clé en main.

L’approche proposée aux groupes promoteurs par le Maire est originale, en cela qu’au lieu d’imposer des critères d’urbanisme précis (par exemple, selon le POS actuellement en vigueur), il a préféré ne « rien imposer ». Une des raisons invoquées est qu’il aurait craint initialement un manque d’intérêt – l’abondance de propositions l’aura rassuré sur ce point. Il a ajouté une autre raison : d’après lui, quand on impose des critères précis les promoteurs s’ingénient à remplir au maximum les gabarits correspondants, ce qui entraînerait au final une densité supérieure, alors qu’ici les règles d’urbanisme seront redéfinies selon le projet choisi, « bien sur en concertation avec les populations concernées »… Je dois reconnaître que cette « logique » est déconcertante.


Un descriptif des trois projets est disponible sur le site mis en ligne par la Mairie (ou seraient bienvenues les animations 3D montrées à la fin de la présentation publique, pour aider à bien visualiser les volumes) ainsi que sur le site Nogent Citoyen, et des vues d’artistes ont aussi été mise à la disposition du public. Plusieurs volets seront à prendre en compte par nos concitoyens, une fois apportées certaines informations complémentaires permettant de les évaluer (dont l’impact urbain et esthétique, l’équilibre logement/activités/équipement public, l’implantation du parking de remplacement en sous-sol et de ses accès, les éléments de développement durable… sans oublier la logique financière sous-jacente).

Eiffage aurait la faveur de l’équipe municipale, le groupe ayant assuré de l’installation de son siège ce qui garantirait une entrée de TPU appréciable quand on s’est engagé à ne pas encore augmenter les impôts tandis que la pression des frais de fonctionnement demeure.

Sogeprom a décidé d’adopter une approche stylistique type blockhaus de verre, qui a priori semblerait plus à sa place à la Défense qu’à Nogent (typique de l’approche, cacher la tour place Leclerc par une seconde…), destinée pour les ¾ aux bureaux et commerces. La possibilité d’installer le siège d’une filiale aurait aussi été évoquée, mais de manière moins convaincante semble-t-il.

Vinci suit plutôt une approche duale de celle de Sogeprom: croyant peu à la viabilité de bureaux isolés à Nogent, l’essence de leur projet est destiné à l’habitat (2/3 du projet) - et du coup le groupe présente un projet semblant mieux prendre en compte la dimension humaine de la vie à Nogent.

Une autre source de revenus possible pour la Ville évoquée par le Maire serait l’implantation d’un centre de calcul de la RATP (qui cherche dans l’est parisien pour installer les ressources nécessaire au système Navigo) – avec l’avantage supplémentaire par rapport à des bureaux d’une exigence moindre en fenêtres et d’un meilleur rapport (5000m2 de centre de calcul rapportant autant que 15 000 m2 de bureaux) – tout en soulignant qu’il était difficile à ce stade d’en préciser les perspectives.


Un point commun aux trois projets est une augmentation de la densification de notre ville. Le Maire a évoqué un millier de personnes (chiffres variant selon les projets – selon une base de 1 personne pour 20m2), à répartir entre les nouveaux habitants et les occupants des bureaux. Il ne s’est pas appesanti sur les véhicules correspondants, qui eux aussi viendront densifier les rues, trottoirs et nos poumons.

La logique du Maire reste la même, et il l’affiche avec franchise : il s’agit d’abord de réaliser la meilleure opération financière possible pour la ville. Il a d’ailleurs déploré qu’elle n’ait pu être accomplie plus tôt, ce qui aurait permis d’éviter les contrecoups de la crise des subprimes. Le Maire s‘est justifié en évoquant la densification voulue par le SDRIF – bien que lors de la présentation du 14/01/2008 (cf. le grand pari), à laquelle il assistait et durant laquelle il a longuement pris la parole, il avait été précisé que Nogent était complètement en dehors des zones visées par la densification (ce que l’on peut constater sur la carte arrêtée par le SDRIF). Le Maire a profité d’une question pour rappeler que son objectif en terme de pourcentage de logement sociaux à Nogent n’était pas de tendre vers 20% comme la Loi l’exige, mais de « rester à 11% » et qu’il ne voulait « pas aller plus loin car ce serait perdre une partie de la qualité de notre vie », soulignant que « le logement social devait être au service des Nogentais d’abord, représentant 700 demandes aujourd’hui.»

Hervé Jobbé-Duval a poursuivi le panégyrique des trois déclinaisons du projet en suivant une rhétorique très « jargon d’architecte », avec force emploi de termes comme « geste architectural » pour ne pas dire rupture du tissu urbain, ou se reprenant ici et là en parlant d’immeubles « massifs », heu forts… A l’occasion des nombreuses questions qui furent posées après la présentation, Hervé Jobbé-Duval a insisté sur la subjectivité de la perception dont on se faisait de la densité urbaine, appuyant son argumentation par le fait que les gens appréciaient d’habiter dans le quartier du Marais « le plus dense de Paris » (en fait, selon l’évaluation 2005 de l’INSEE, les 3ème et 4ème arrondissements de Paris arrivent respectivement au 5ème et 17ème rang selon la densité de population). De plus, je ne suis pas certain que l’envie d’habiter dans tel ou tel quartier soit uniquement dictée par la densité de population correspondante, et que le tissu urbain (y compris architectural) joue aussi probablement un rôle.

Si la suppression du PIR (parking d’intérêt régional) actuel fait presque unanimité, les nombreuses questions et interventions tant sur la méthode mise en place par le Maire que sur l’ampleur tolérable par Nogent et les Nogentais des bâtiments prônés par les différents groupes promoteurs indiquent un fort intérêt de l’audience, venue presque remplir la scène Watteau pour assister à cette présentation. Une consultation est en cours jusqu’au 16 juin (questionnaire disponible lors de la présentation scène Watteau, ainsi que sur le site mise en ligne le 16 mai ) : espérons qu’elle sera le point de départ d’une large concertation permettant, comme le Maire l’a promis, de faire évoluer le projet de façon à ce qu’il réponde aussi pleinement que possible aux aspirations des Nogentais d’aujourd’hui et de demain.

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