23/04/2008

Droit d’allégeance ?

Le Président de la République a-t-il un droit constitutionnel de faire preuve d’allégeance au nom la Nation dont le pouvoir exécutif lui a été confié? Si je force un peu le trait, c’est pourtant bien la tendance qu’il entend imprimer à la Diplomatie Française, et au delà à la construction de l’Europe de la défense, par sa déclaration du 3 avril à Bucarest annonçant l’envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan. Il ne peut pas arguer d’une promesse de campagne sur ce sujet: s’agirait-il d’une déclaration en l’air de plus, visant à tester la popularité du concept dans l’opinion selon la « méthode Sarkozy » dont l’emploi systématique par le candidat à la présidentielle s’est depuis généralisé aux membres de son gouvernement? en tout cas ce n’est pas le rapport de mars annonçant la réduction des effectifs des armées qui démentira cette orientation. Après ses velléités de rupture avec mai 68, c’est plutôt par la rupture avec mars 66 et la sortie de la France du commandement militaire intégré de l’OTAN que Nicolas Sarkozy cherche aujourd’hui à faire oublier le spectre du choc de confiance et du « tout devient possible », et cela contribue probablement à son record de popularité – en tout cas de rapidité dans la désillusion de nos concitoyens (72% des français mécontents après un an de présidence, 58% doutant de sa capacité à réformer à l’avenir).

Quel est donc l’intérêt de s’aligner aujourd’hui avec une administration américaine qui va changer après les élections à la fin de l’année ? quand bien même cela serait un pari hasardeux sur le maintien des conservateurs avec McCain : au profit de quels lobbies celui-ci réorienterait-il la pax americana et son armada ? il ne s’agit même pas pour le Président d’arguer de contrats commerciaux comme ce fut le cas pour ses positions récentes vis à vis de la Libye, du Tchad ou de la Chine… Cet alignement sans contrepartie (y compris concernant le commandement de la Méditerranée) avec la coalition « liberté immuable » - dont on sait désormais sur quels mensonges elle a légitimé son action – me laisse perplexe, d’autant que la rhétorique confuse du Président qui décrète a minima de laisser « cheminer l’Europe de la Défense » tout en prônant de continuer « à cheminer vers l’OTAN» ne fait oublier ni sa posture au moment du déclenchement de la seconde guerre en Irak, ni les tentatives américaines d’affaiblissement de la « vieille Europe » y compris par des contrats d’armement aux les nouveaux entrants (chars abrams et F16 pour la Pologne et la Hongrie…). Et les risques, eux, sont bien réels, comme le rappelait Didier Boulaud (Sénateur PS de la Nièvre), après avoir démissionné de la Commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale quelques heures avant le débat sur la motion de censure, s’appuyant même sur le blog de François Fillon qui soulignait en 2006 les risques d’une « Irakisation » de l’Afghanistan.

Le mur de Berlin est tombé en novembre 1989, la guerre froide est finie, ou du moins elle s’est mondialisée en prenant un tour économique multipliant les instabilités régionales… Mais la France va en s’affaiblissant, handicapée par son étatisme au train de vie dispendieux et le poids de la dette qui en a résulté, et ce déclin que certains se refusent à regarder en face contribue à nuire au rayonnement de son indépendance (l’intervention de Villepin à l’ONU date de 5 ans déjà : où sont les gaullistes aujourd’hui ?). Le discours de Strasbourg de François Bayrou (12 février 2007) s’inscrit dans la continuité du projet européen construit sous la 5ème République, y compris l’Europe constituée de plusieurs cercles souhaitée par F. Mitterrand, à laquelle il faudra donner de véritables objectifs pour mieux la définir et des moyens de les atteindre. Il est urgent de construire une Europe politique, qui seule permettra de se doter des outils garantissant l’indépendance à laquelle nous aspirons – y compris d’une force d’intervention européenne.

Cette abandon à l’unipolarisation se décline aussi sur le plan local, en particulier avec le risque d’une allégeance de notre Maire aux schémas de Grand Paris préparés en haut lieu par l’UMP : l’histoire récente a montré qu’il faudra, une fois encore, rester vigilant pour préserver les intérêts de Nogent et des Nogentais.

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